Petit manuel du Compte Personnel de Formation (CPF) rénové

CPF rénové 2019

Si vous parlez encore de DIF et de CIF, il est urgent de lire ce dossier. Bon, vous n’en êtes quand même pas là, mais la réforme du Compte personnel de formation, encore en voie d’achèvement, ne coule pas de source. Alors à quoi s’attendre en 2019 ?

CPF, le contexte

Un an de débats et d’allers-retours avec les partenaires sociaux, avec le Sénat, néanmoins la ministre du Travail Muriel Pénicaud a souhaité conserver son idée de monétiser le CPF. Celui-ci passe donc d’un compte en heures à un compte en euros.

La proposition de monétisation a été adoptée en conseil des ministres le 27 avril 2018. Le corps de la loi promulguée le 5 septembre doit être adapté en fonction d’un certain nombre de décrets d’application… Entre 70 et 100, tout de même ! Dans les mois à venir également, des accords de branche vont tempérer, modifier, fixer les conditions d’application au sein des nouveaux OPCO avec par exemple la définition de critères d’abondement.

Le texte de loi

Il comporte trois grands titres dont le premier, Vers une nouvelle société de compétences, concerne directement la formation professionnelle. Le premier chapitre de ce premier titre est intitulé « Renforcer et accompagner la liberté des individus dans le choix de leur formation. » 
C’est au sein de cette première partie que l’on va trouver toutes les informations liées au CPF et au CPF de transition. En gros, les mêmes grands principes que ce qui avait été défini sous la mandature Hollande, mais avec un approfondissement des dispositifs qui rend ces deux CPF différents du DIF et du CIF.

Un rapide historique jusqu'au CPF nouvelle mouture

  • Son architecture est construite en 2004 lors de la signature d’un Accord national interprofessionnel sur la formation tout au long de la vie qui introduit le Droit individuel à la formation (DIF).
  • En 2009, le gouvernement de Nicolas Sarkozy rend le DIF portable, utilisable par les salariés d’une entreprise à l’autre et accessible aux demandeurs d’emploi afin que ces derniers puissent se former en période de chômage.
  • Depuis le 1er janvier 2015, un CPF est ouvert pour toute personne âgée d’au moins 16 ans en emploi ou à la recherche d’un emploi ou accompagnée dans un projet d’orientation et d’insertion professionnelles ou accueillie dans un établissement et service par le travail.

Le CPF a vocation à être universel, ouverts aux salariés du privé, aux non salariés et aux agents du public. Le compte est fermé lorsque la personne est admise à faire valoir l’ensemble de ses droits à la retraite. Les droits sont attachés à la personne et non au statut. Le CPF est portable, mais non transférable, au contraire d’heures de RTT par exemple.

Quelle que soit la taille de l’entreprise, le dispositif doit être intégré à la politique de ressources humaines et de formation. Les formations éligibles sont nécessairement certifiantes ou qualifiantes.

A partir de 2019 un montant collecté sur la masse salariale sera monétisé et servira à financer deux types de formation : le CPF « normal » dit de droit et le CPF de transition.

Financement du CPF 

Au générique du CPF à horizon 2020 : les acteurs en présence

CPF à horizon 2020

Toutes les entreprises sont concernées 

Il n’y aura plus qu’une seule cotisation formation et elle sera collectée en 2020 par les Urssaf.

Attention, 2019, année de transition… Outre un taux de contribution modulé entre 0,55 % et 1 % à partir de 10 salariés dans l’entreprise, auquel s’ajoute le taux de la taxe d’apprentissage de 0,68 %, les entreprises peuvent s’attendre à une double collecte : l’une en hiver, l’autre à l’automne.

A partir de 2020, la collecte par l’URSSAF sera échelonnée à partir des données sociales transmises par les OPCO.

Bye-bye les OPCA, hello les OPCO ! 

Les entreprises et les branches professionnelles pourront s’appuyer sur des opérateurs de compétences, qui remplaceront les OPCA, pour anticiper la transformation des métiers, bâtir une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et construire leur plan de formation.

Les opérateurs de compétences seront bâtis sur des logiques de filières économiques cohérentes. Ils financeront les CFA, en application des coûts contrats définis par les branches, et appuieront les branches qui le souhaitent dans la co-construction des diplômes. Obligatoirement doté d’un service de proximité, les opérateurs de compétences financeront également le plan de formation des TPE et PME.

Rapport Marx-Bagorski

 

 Le rapport Marx-Bagorski préconise 11 opérateurs de compétences

A noter : les OPCO pourront en fonction des accords de branche élargis abonder le CPF. Conseil de l’expert Christophe Parmentier : attendons ces accords de branche !

Une agence nationale, France compétences 

Elle remplacera les trois instances de gouvernance actuelles (FPSPP, Cnefop, Copanef). France compétences sera en charge de la régulation de la qualité et des prix des formations, notamment les coûts des contrats des formations en alternance. Elle assurera également la péréquation interprofessionnelle mécanique en matière d’alternance et de formation des TPE et PME. Elle sera composée de trois collèges : État, partenaires sociaux, régions.

Disparition des Fongecif au profit des CPRI

France compétences va répartir le reste des contributions entre la Caisse des dépôts et consignations qui gère le CPF « normal » et les Commissions paritaires régionales interprofessionnelles qui vont gérer le CPF de transition. Puisque celui-ci remplace le Congé individuel de formation (CIF), les Fongecif se positionnent sur l’accompagnement avec le Conseil en évolution professionnelle (CEP).

A partir de 2020, la Caisse des dépôts et consignations gèrera en direct le CPF de droit commun, désormais sans l’intermédiation des OPCA. Elle mettra en place le socle du CPF de transition avec l’abondement de l’entreprise ou des OPCO. Ce CPF de transition sera administré, géré et contrôlé par les CPRI.

Les abondements

Si le salarié ne bénéficie pas assez d’heures sur son CPF pour couvrir toute la formation envisagée, il peut bénéficier d’un financement complémentaire appelé abondement. Ces abondements complémentaires peuvent être apportés par l’employeur lorsque le titulaire du compte est salarié et par Pôle emploi lorsqu’il est chômeur ; le titulaire du compte ; les OPCO ; l’État, la Région, la Commune ; l’Agefiph…

Des abondements supplémentaires peuvent également être prévus en vertu d’un accord d’entreprise, de groupe ou de branche pour un certain nombre de formations éligibles ou pour des salariés prioritaires : salariés les moins qualifiés, exposés à des risques professionnels, menacés par les évolutions économiques et technologiques ou à temps partiel.

Dans les entreprises de 50 salariés et plus, un salarié peut bénéficier d’un abondement correctif de 100 heures (130 heures pour les temps partiels) en cas de non-respect de la garantie d’accès à la formation par l’employeur, c’est-à-dire s’il ne peut justifier que le salarié a bénéficié d’au moins deux des actions suivantes au cours des six dernières années : une formation, une progression salariale ou professionnelle ou l’acquisition de certifications par la formation ou la VAE. Cette sanction prendra effet à compter de mars 2020.

Mise en oeuvre du CPF

Une appli mobile pour smartphone, genre de « Trip Advisor de la formation »

Grâce à une application numérique gérée par la Caisse des dépôts et consignations, les salariés comme les demandeurs d’emploi pourront :

  • Connaître les droits acquis sur leur compte, les différentes formations certifiantes proposées dans leur bassin d’emploi ou leur région et les dates de session,
  • S’inscrire directement en formation, sans faire appel à un intermédiaire et sans validation administrative,
  • Choisir leur formation en connaissant le taux d’insertion dans l’emploi à l’issue de la formation et le salaire prévisionnel à l’embauche,
  • Choisir leur formation en fonction des commentaires laissés par les salariés et demandeurs d’emploi formés et des comparateurs d’offres qui aident dans le choix.

L’organisme de formation sera directement payé par la caisse des dépôts et consignations. Le lancement de l’appli était annoncé pour juin 2019, mais du retard est déjà annoncé…

Un compte en euros et non plus en heures

On ne crédite son CPF que pendant le temps de travail, même si celui-ci peut être utilisé en dehors.

Le dispositif sera donc désormais crédité en euros, et non plus en heures, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État. Cette mesure s'appliquera pour les droits acquis en 2019. Salariés à temps plein, à 3/4 temps et à mi-temps, les bénéficiaires verront donc leur compte crédité de 500 euros (800 euros pour certains publics) en 2020 avec des plafonds respectifs de 5000 € et 8000 € au bout de dix ans.

Pour les salariés en CDD, le compte sera crédité prorata temporis.

Un "pouvoir d'achat formation" qui ne baisse pas tant que ça !

D’ici là, les heures acquises au titre du droit individuel à la formation (DIF) et du compte personnel de formation (CPF) seront converties en euros, « à raison de 15 euros par heure », selon le projet de décret examiné par le Conseil national de l’emploi, la formation et l’orientation professionnelles (CNEFOP) le 20 novembre dernier. Les OPCO pourront abonder dans la limite du double soit 30 €.
Les collaborateurs qui ont la totalité de leurs heures DIF et CPF auront donc une enveloppe maximale de 3240 € qui pourra être doublée par l’OPCO afin de se former en 2019.
Cependant, les bénéficiaires devront tenir compte du fait que les droits acquis aux titres du DIF (120 heures, soit 1800 euros) ne sont utilisables que jusqu’au 31 décembre 2020. Au-delà, ils seront perdus.

La mobilisation du CPF relève de l’initiative du salarié

Hors temps de travail, le salarié peut mobiliser son CPF sans autorisation de l’employeur. Ce dernier n’a aucune allocation à verser.

Lorsque la formation financée dans le cadre du CPF est suivie tout ou partie pendant le temps de travail, le salarié demande une autorisation d’absence à l’employeur qui doit lui notifier sa réponse dans des délais déterminés… par décret, encore une fois. L’absence de réponse de l’employeur vaut acceptation.

Or, si le salarié est totalement libre de ses choix de CPF, l’employeur peut néanmoins l’informer, le conseiller ou l’orienter dans son projet de formation afin de mettre en accord les besoins de l’entreprise et son évolution professionnelle. Un accord collectif d’entreprise ou de branche peut prévoir de rapatrier tout ou partie du CPF au sein du temps de travail. L’employeur pourra aller au-delà des plafonds et abonder le CPF, c’est-à-dire que l’entreprise prend en charge l’ensemble des frais et peut demander le remboursement à la Caisse des dépôts et consignations des sommes correspondantes dans la limite des droits inscrits sur le CPF de chaque salarié concerné.

En pratique, certaines entreprises ont déjà commencé à éditer des catalogues de formations.

Les formations éligibles au CPF dès 2019

Les différentes listes de formations éligibles au CPF seront supprimées (listes nationale, de branche et régionale). Pour les salariés, seront éligibles au CPF les actions de formation sanctionnées par :

  • Les certifications enregistrées dans le répertoire national des certifications professionnelles (RNCP);
  • Les attestations de validation de blocs de compétences correspondant à une partie de certification inscrite au RNCP ;
  • Les certifications et habilitations enregistrées dans le répertoire spécifique correspondant à des compétences professionnelles complémentaires aux certifications professionnelles.

Sont également éligibles au CPF, dans des conditions définies par décret :

  • Les actions permettant de faire valider les acquis de l’expérience,
  • Les bilans de compétences,
  • La préparation de l’épreuve théorique du code de la route et de l’épreuve pratique du permis de conduire des véhicules du groupe léger,
  • Les actions de formation de conseil et d’accompagnement dispensées aux créateurs et aux repreneurs d’entreprise,
  • Les actions de formation destinées à permettre aux bénévoles et aux volontaires en service civique d’acquérir les compétences nécessaires à l’exercice de leurs missions.

Le CPF de transition, pour changer de métier ou de profession

Tout salarié pourra demander à mobiliser les droits inscrits sur son CPF afin que celui-ci contribue au financement d’une action de formation certifiante ou qualifiante destinée à lui permettre de changer de métier ou de profession dans le cadre d’un projet de transition professionnelle. Le salarié bénéficiera d’un congé spécifique lorsqu’il suivra une partie ou la totalité de cette formation durant son temps de travail. Rappelons que ce congé remplacera le congé individuel de formation (CIF) qui est supprimé.

Pour bénéficier d’un projet de transition professionnelle, le salarié devra justifier d’une ancienneté minimale en qualité de salarié dont la durée sera fixée par décret. Cette condition d’ancienneté ne sera toutefois pas exigée pour le salarié qui a changé d’emploi à la suite d’un licenciement pour motif économique et qui n’a pas suivi une action de formation entre le moment de son licenciement et celui de son réemploi.

Le projet de transition professionnelle fera l’objet d’un accompagnement par le conseiller en évolution professionnelle qui devra informer, orienter et aider le salarié à formaliser son projet. Il proposera également un plan de financement.

Ce projet sera présenté à la commission régionale référente qui appréciera sa pertinence et décidera ou non de l’autoriser. La commission regroupera les représentants des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel. Cette décision sera prise au nom de l’opérateur de compétences dont relève l’entreprise qui emploie le salarié. Elle devra être motivée.

Information des salariés et calendrier, quelles obligations ? 

2019, année transitoire pour le CPF : ce qu'il faut retenir 

  • Le CPF sera monétisé au 1er janvier 2019 mais il sera incrémenté en fin d’année.
  • Il sera géré en transition par les OPCO à partir d’une nouvelle base monétisée, mais attendez-vous à une double collecte pendant cette année de transition.
  • En cas de crédit insuffisant pour couvrir une formation, des abondements sont possibles.
  • Patience dans l’attente des accords de branche, avec la définition des OPCO avant le 31 décembre 2018 !
  • Avec le CPF, les entreprises ont l’obligation d’appliquer la garantie du droit à la formation et proposer tous les deux ans aux salariés un entretien professionnel. Au cours de ces entretiens vous pouvez échanger sur le développement de leurs compétences selon les besoins de l’entreprise. Dans tous les cas vous devez informer votre collaborateur sur la VAE, le CEP et le CPF et l’inciter à s’inscrire sur le site www.moncompteformation.gouv.fr
  • À partir de janvier 2019, les bénéficiaires seront informés de leurs droits en heures et en euros. Ce double affichage sera maintenu jusqu’à ce que la gestion des fonds alloués au CPF soit confiée à la Caisse des dépôts et consignations.

Sources :

L’ensemble de ce dossier a été rédigé principalement d’après la conférence animée en webinar le 19 novembre 2018 par Christophe Parmentier, observateur aguerri de la formation professionnelle et directeur associé du réseau Clava : https://webikeo.fr/webinar/l-actualite-du-cpf-renove

Mais aussi en consultant les sources suivantes :

 

Pour tout connaître des nouvelles règles de financement de la formation depuis la réforme, retrouvez le replay du webinar qui a eu lieu le 15 mars 2019 ou téléchargez notre livre blanc "Tout savoir sur le CPF rénové !"