Formation à distance : merci aux (in)compétents qui s’ignorent !

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D’un monde simple à un monde complexe

En l’espace de 24h, nous sommes collectivement passés d’un monde simple à un monde complexe. D’un monde où notre activité reposait à 90% sur la formation présentielle et où chacun d’entre nous savait ce qu’il avait à faire, à un monde où rien de tout cela n’était possible ni vrai. D’un monde du présentiel, où nous étions collectivement archi-compétents, à un monde 100% distanciel où, a priori, nous ne l’étions plus.

Nous aurions pu nous contenter de fermer nos portes, de céder à la torpeur et d’attendre que ça passe. Heureusement, nous ne l’avons pas fait. Même si, a priori, nous ne savions pas faire, nous avons décidé que nous pouvions basculer d’un modèle essentiellement présentiel à un modèle 100% distanciel ; que la somme de nos compétences pouvait nous servir à résoudre le problème qui se présentait, à ne pas subir l’urgence, ni l’incertitude.

Et nous avons réussi à opérer un changement radical. Tout n’est pas toujours simple, certes. Mais nous avons réussi, en quelques semaines, à sortir de notre zone de confort pour répondre à une situation nouvelle et incertaine.

« Notre monde parait simple, quand on y est compétent »

Dernièrement, je suis tombée sur la vidéo d’une conférence TEDxOCTAVE de Laurent Bibard : « Comment prendre des décisions simples dans un monde complexe ? »

Son exposé sur l’amerrissage d’urgence sur l’Hudson du vol US Airways 1549 en 2009 permet d’analyser ce que nous avons vécu et comment nos compétences nous ont permis de créer des réponses nouvelles dans un monde inconnu.

Laurent Bibard dit ceci :

Ce sont nos compétences qui nous permettent de rendre notre monde simple

Or que se passe-t-il quand nous rentrons soudainement dans un monde inconnu où nous avons le sentiment d’être incompétent, de redevenir un débutant, de ne plus savoir faire ?

Sa réponse est simple : il n’y a aucune raison d’avoir peur car nous avons en réalité plus de compétences que nous le croyons !

Nous sommes tous archi-compétents et nous avons, la plupart du temps, les clés pour répondre à une situation inconnue. Le problème tient au fait que nous n’avons pas conscience de nos compétences.

Pour une raison évidente : nous avons tellement intériorisé nos compétences que nous n’en n’avons plus conscience. A force de les avoir utilisées, elles sont devenues des réflexes. Nous n’avons plus besoin de penser ou de réfléchir pour les mobiliser.

On est excellent dans un domaine quand on n’a plus besoin de réfléchir à ce qu’on fait pour le faire. C’est ce qui constitue notre monde simple, notre zone de confort !

« Survivre dans un monde complexe se fait en mobilisant des choses qu’on sait déjà faire dans un contexte totalement inédit. C’est ça l’agilité ! »

Revenons au cas de l’amerrissage d’urgence sur l’Hudson du vol 1549. Il s’agit d’un vol de routine. Le Capitaine Sullenberg a plus de 20 000h de vol au compteur et se rappelle :

« En tant que pilote, on s’efforce de toujours tout anticiper, de tout planifier, de tout prévoir pour ne jamais être pris par surprise. Et on s’est retrouvé face à une situation inédite ».

A peine plus d’une minute après le décollage, l’avion heurte des oiseaux qui provoquent l’arrêt des deux moteurs. En l’espace de quelques secondes, le monde simple, routinier et connu de Sullenberg devient complexe, inédit et incertain.

Sully bascule dans un monde où il semble qu’il soit incompétent car il n’a jamais fait face à une telle situation, il n’a jamais été formé à faire amerrir un Boeing et aucune procédure n’existe pour gérer un tel cas.

Sully raconte d’ailleurs qu’il est passé par 3 phases :

  1. D’abord l’incrédulité et la sidération : « Ça n’est pas possible, pas à moi ?! »
  2. Puis le refus et la colère : « Cela n’est pas en train de m’arriver »
  3. Et enfin l’acceptation : « Malgré mes 42 années de vols routiniers, je réalise et j’accepte que je ne finirais pas ce vol sur une piste avec un appareil intact. Je peux y arriver même si je n’ai jamais été formé pour cela »

Passés la sidération et le refus, et en dépit de l’incrédulité de la tour de contrôle, il sait voir le fleuve Hudson comme une opportunité (et non comme une menace, car souvenez-vous, il n’a jamais été formé à l’amerrissage d’un avion commercial !) : c’est sa meilleure chance de poser l’avion et de sauver 155 personnes.

Il se trouve que Sullenberg a également été pilote d’hydravion ! Il va donc extraire cette compétence pour l’appliquer dans un contexte inédit et l’associer à son expérience de pilote d’avion de ligne pour réaliser une action nouvelle dans une situation d’urgence.

La légende veut qu’après avoir posé l’avion sur l’Hudson, lui et son co-pilote se soient dit « Hey, ce n’était pas si difficile, on le refait ?! »

3 enseignements pour les « incompétents inconscients » de la formation à distance 

Quand le confinement a été déclaré, notre monde simple et routinier est devenu complexe et incertain. Pour beaucoup, nous avons fait face aux mêmes phases : sidération, rejet puis acceptation.

Pour autant, notre Hudson à nous, le 100% distanciel, nous a renvoyé à un sentiment d’incompétence. Certains ont eu le sentiment de redevenir des débutants.

Formateurs, chefs de projet, managers nous avons dû (ré)apprendre que nous étions archi-compétents et que ce socle de compétences pouvait nous permettre de créer des réponses nouvelles dans une situation de crise.

1.     Mobiliser notre socle de compétences pour les appliquer à une situation nouvelle

Concevoir des formations singulières, animer un collectif, transmettre, gérer les imprévus, prévoir, anticiper et s’adapter… autant de compétences que nous mobilisions chaque jour sans même le réaliser. Nous avons été capable d’extraire ces compétences pour les adapter et les transposer dans un environnement nouveau.

C’est bien ce socle de compétences inconscientes qui nous a permis de maintenir des expériences apprenantes engageantes alors que tout notre monde traditionnel avait basculé vers quelque chose de nouveau.

2.     Faire appel à notre « Hydravion »

Comme Sully, également pilote d’hydravion, qui a su faire appel à cette compétence pour l’appliquer à une situation nouvelle, nous avons su faire appel à notre hydravion, que ce soit en tant que participant à des réunions à distance ou parce que nous avons communiqué avec notre entourage par ce biais…

C’est ce qui a fait que, comme Sullenberg, sans être formés, nous avons pu maintenir des formations à distance un jour sur Zoom, le lendemain sur Teams, sur Go to MeetingWebex… Sans y être formés, nous avons su faire appel à des compétences acquises inconsciemment pour basculer d’un outil à un autre.

3.     Dissocier « les passagers & l’avion »

C’est un point capital du retour d’expérience raconté par Laurent Bibard : pour s’autoriser à poser l’avion sur l’Hudson, Sully a dû dissocier l’appareil et ses passagers. Il a pris la décision de ne pas finir son vol avec un avion intact pour sauver des vies.

Au risque d’être pompeuse, nous avons eu à faire ce même cheminement intellectuel. Non pas pour sauver des vies humaines mais pour permettre à notre écosystème de formateurs partenaires de maintenir une activité, à nos clients de continuer leurs formations, parfois certifiantes, pour ne pas les reporter de plusieurs mois…

Dans notre activité, nous avons dû, de la même manière, accepter de dissocier « les apprenants et la salle de formation ». Nous avons dû accepter de décorréler le medium et nos participants. Oui, il est possible de réaliser la même action dans un espace différent. Et chacun a, dès lors, trouvé des manières de transposer ses pratiques « présentielles » à distance : être débout face à un groupe, circuler d’un groupe à un autre, réaliser un icebreaker pour mettre tout le monde à l’aise, n'avoir qu'un paperboard et un feutre, s’attarder dans la « salle » et continuer à discuter de manière informelle avec les participants, etc.

Nous avons été bluffés par toutes les astuces et les transferts de bonnes pratiques qui ont émergées pendant cette période !

La vertu des situations complexes et d’urgence, c’est qu’elles nous réveillent et nous forcent à aller puiser dans nos compétences inconscientes pour faire quelque chose de nouveau. Laurent Bibard

Continuons à être ensemble des « incompétents inconscients » qui créent de la singularité

Merci, donc, à vous tous-tes, formateurs-trices, collaborateurs-trices, partenaires, clients, participants-es, qui avez dépassé votre sentiment d’incompétence pour toucher du doigt les frontières de votre savoir-faire et mobiliser des trésors de compétences inconscientes pour répondre à une situation inédite !

Merci à toute l’équipe « DIGI20 » et à la Factory d’avoir rendu tout cela possible. Merci à vous formateur ou formatrice ABILWAYS d’avoir répondu présent-e à nos formations internes, aux ABILWAYS cafés, etc. Merci à tous-tes les autres qui nous ont soutenu-e-s en étant en activité partielle

Merci à Pascale V. qui, indirectement, m’a fait découvrir Laurent Bibard.

Et merci à Laurent Bibard qui, sans le savoir, en donnant une conférence il y a plus d’un an, m’a aidé à porter un éclairage nouveau sur nos réalisations des semaines passées !

Pour visionner sa conférence « Prendre des décisions simples dans un monde complexe » Conférence TedxOctave de Laurent Bibard

 

Marion Breuleux 

Directrice Innovation @ ABILWAYS | Fondatrice ABILWAYS DIGITAL