Comment déployer une stratégie marketing de sa formation

Les professionnels de la formation doivent aujourd’hui intégrer une forte dimension marketing dans le déploiement de leurs solutions. Mais comment bâtir son plan marketing l&d (learning & development), de manière simple et peu coûteuse sans être un pro du marketing ? Découvrez les conseils de Jérôme Wargnier, président d’Alberon Partners.

Le constat

Malgré le discours très convenu sur le fait que « les Hommes sont la première richesse de l’entreprise », le développement du capital humain est rarement géré comme une priorité. L’entreprise n’étant plus à un paradoxe près, tout le monde s’accorde sur l’importance de la formation, mais rares sont ceux qui la considèrent comme une réelle urgence. Être perçu pour la valeur que l’on apporte et rester présent à l’esprit de ses cibles est un impératif pour le L&D. Un impératif qui ne va pas de soi. La vocation du marketing étant de faire changer les perceptions et les comportements des clients, les objectifs que nous poursuivons sont donc de :

  • Exprimer et rendre visible la proposition de valeur du L&D
  • Recruter, mobiliser et fidéliser les bonnes cibles pour nos dispositifs
  • Impliquer tous les acteurs qui pourront contribuer à la réussite de nos solutions
  • Promouvoir les succès et démontrer la contribution du L&D à la stratégie de l’entreprise

Bâtir notre marque

Le L&D ne doit pas être défini par ce qu’il fait mais par ce qu’il rend possible. Il doit s’exprimer sous la forme d’une promesse pour l’entreprise, les équipes et les individus. Il ne reste plus alors qu’à trouver un nom qui porte cette promesse et nous aurons posé les fondations d’une marque. Tout d’abord, exprimons notre identité ! On ne compte pas le nombre de centres de formation baptisés... « Centre de formation ». Il en va de même pour les universités d’entreprise. Certes cela évite tout risque de confusion mais on peut gagner significativement en visibilité par l’ajout d’une base line puissante et d’une charte graphique résolument originale. Établir notre positionnement se fera par la communication structurée de nos succès ainsi que par les prises de parole des sponsors que nous choisirons de mobiliser pour incarner la marque. On constate un phénomène similaire lorsqu’il s’agit de nommer des dispositifs ou des activités pédagogiques. Nous avons tous déployé des dispositifs aux noms évocateurs et glamour tels que « Fondamentaux de la communication », « Finance pour non-financiers » ou encore « Gestion du temps ». À nouveau, on privilégie la clarté à la promesse. De la même manière, les étapes d’un curriculum baptisées Questionnaire, e-Learning ou Séminaire gagneraient à être traduites sous forme de bénéfices. De l’avis même des apprenants, des appellations comme « Faire le point sur mes pratiques » ou « Découvrir & Pratiquer » sont nettement plus porteuses de la promesse de valeur... sans pour autant perdre en lisibilité. À ce titre, l’implication d’un panel de managers et d’apprenants est une excellente pratique pour privilégier le vocabulaire de la cible plutôt que d’utiliser les termes de notre expertise.

Qualifier nos cibles

Nous partirons du principe qu’un professionnel L&D réalise systématiquement une qualification de la problématique et une validation des enjeux exprimés par son commanditaire. La valeur - réelle et perçue - est la condition sine qua non pour que notre « produit » rencontre son marché. S’il n’apporte pas à sa cible une solution réelle à un problème tout aussi réel, tous nos efforts pour le promouvoir s’avéreront vains. Cependant, si elle est nécessaire, la valeur n’est pas suffisante. L’étape suivante consiste à identifier et prendre en compte les attributs de notre cible. Ainsi, des caractéristiques telles que la disponibilité, les conditions de travail ou les usages passés en matière de formation (pour n’en citer que quelques-unes), seront discriminantes pour opérer des choix pédagogiques pertinents. À titre d’illustration, la population commerciale se caractérise le plus souvent par sa dispersion géographique, son nomadisme, son haut niveau d’individualisme, son orientation résultat et une forte sensibilité au challenge. L’intégration de ces attributs nous invite à concevoir des dispositifs incluant une promesse de résultat clairement exprimée, une alternance rythmée de regroupements et d’activités personnalisées à distance... et idéalement une dimension ludique pour capter et maintenir la cible impliquée. Cette version sommaire de l’étude de marché peut aisément être reproduite pour chaque population et ainsi conforter la dimension Learner centric de nos offres. Par ailleurs, lorsque l’on parle des cibles, il serait inconséquent de concentrer notre attention de manière exclusive sur notre commanditaire et les apprenants. Notre équipe, nos acheteurs, nos prescripteurs et nos partenaires, ainsi que les différents types d’influenceurs internes (Comex, réseau RH, managers...) ont chacun un rôle déterminant à jouer. Notre démarche doit donc associer l’ensemble de ces parties prenantes. Dans le cas de dispositifs particulièrement visibles, il est tout indiqué de réaliser une cartographie préalable des acteurs, puis de déployer une communication segmentée pour chacune des populations.

Communiquer sans relâche

Notre postulat est que la perception de notre promesse et de nos résultats est devenue critique pour l’efficacité des initiatives L&D. Pourtant, lorsqu’on aborde le sujet de la communication autour des dispositifs de formation, beaucoup de professionnels considèrent que :

  • Il ne s’agit pas de leur cœur de métier,
  • Ils ne disposent pas dans leurs équipes de toutes les compétences requises,
  • Leurs budgets sont à peine suffisants pour concevoir et déployer les formations.

En réalité, les plus belles réussites en matière de communication L&D que j’ai eu le plaisir d’observer ces dernières années doivent plus à la créativité des équipes qu’à leurs budgets. La grande majorité était construite à partir d’une combinaison de choses simples et peu coûteuses. Lorsque l’on analyse le prix de la formation (ingénierie et animation), qu’on y ajoute les coûts logistiques et salariaux, puis la valeur de l’immobilisation des collaborateurs, on arrive rapidement à des sommes considérables. Comparée à cela, la réalisation d’une affiche qui tapissera les murs de tous les ascenseurs de l’entreprise pour supporter le lancement d’un dispositif est une goutte d’eau dans l’océan. L’achat d’une photo, l’écriture du texte original, le prix du papier, de l’encre et du ruban adhésif ; le montant est dérisoire. Autre exemple, un T-shirt portant le logo de la Corporate University et le nom de son programme phare génère un impact extraordinaire pour moins de 5 € par participant. En revanche, toutes ces opérations remarquables respectaient les principes suivants :

  • Surfer sur la stratégie et l’actualité de l’entreprise pour accrocher la formation au quotidien
  • Accompagner les dispositifs de bout en bout et ne pas se limiter au lancement.

En amont, par l’utilisation de teasers et de news pour préparer les différentes cibles, puis par le biais d’une animation éditoriale structurée pour soutenir le déploiement, et enfin par une promotion systématique des succès (case study, awards, témoignages...)

  • Segmentation et communication spécifique à l’adresse de chacune des populations
  • Intégration des actions de communication dans le planning, et ce dès le cadrage du projet
  • Travail en équipe... et sollicitation d’expertises externes, notamment au sein des départements marketing et communication de l’organisation

Mais par-dessus de tout, ces équipes L&D étaient totalement convaincues de l’importance capitale de la communication pour la réussite de leurs dispositifs.

Quelques points complémentaires

Pour être véritablement complet, il faudrait traiter chacune des variables du mix. Le prix - ou le coût pour nos cibles, qui regroupe les coûts directs et indirects sur lesquels se focalisent nos acheteurs, mais aussi les coûts consentis par les managers (temps, organisation, pilotage du changement...) et par les apprenants (charge de travail, efforts d’adaptation, incertitude...). La valeur perçue du L&D se mesurera de plus en plus en retranchant les coûts investis des bénéfices constatés de nos actions. La construction et la maintenance de gammes intelligemment segmentées représentent un autre de nos challenges. Ceci est rendu particulièrement délicat par les rapides et profondes évolutions des technologies, la forte exigence d’agilité exprimée par nos directions et les contraintes budgétaires et organisationnelles qui pèsent sur nos équipes.

En conclusion

En réalité, c’est plus souvent le temps et l’énergie qui nous manquent. Lorsque l’on a rigoureusement géré chacune des étapes - du Learning consulting à la validation d’un dispositif - on a le sentiment d’avoir accompli notre mission. Compléter le dispositif d’une dimension marketing vient donc s’ajouter à la liste déjà longue de nos tâches. Mais croyez-moi, les deux heures supplémentaires consacrées à la réalisation d’un teaser, d’un kit de déploiement ou à l’interview d’un sponsor peuvent changer radicalement la perception de nos interlocuteurs. Ce sont presque toujours les « petites différences » qui font toute la différence. Nous nous devons de promouvoir les dispositifs dans lesquels nous avons tellement investi. Un excellent produit mérite un excellent marketing.

Alors à vos marques !

Jérôme Wargnier est conférencier et l’auteur de nombreuses publications sur le développement des compétences. Il dirige le cabinet Alberon Partners qui accompagne les entreprises dans l’élaboration de leur stratégie de formation et la conception de dispositifs multimodes. Les profondes mutations de l’entreprise et leurs impacts sur les pratiques RH et formation sont l’intarissable source de sa passion professionnelle. En parallèle, il est le Directeur de la Pédagogique de Teach on Mars (Mobile Learning) et intervenant au sein des Masters spécialisés en RH de l’ESSEC Business School et de l’UPEC et nous fait l’honneur d’animer les petits déjeuners workshop « Marketing des dispositifs de formation » d’EFE.